Pourquoi
je photographie !
Photographier
pour moi découle tout simplement de la composition de ce verbe.
En effet, le radical " photo " provient du Grec ancien et signifie
lumière et le suffixe " graphie ", évoque l'écriture. J'écris
donc, en quelques centièmes de seconde, une histoire que l'écriture
classique mettrait souvent plusieurs pages à décrire.
J'utilise comme encre la lumière et l'appareil photo devient
mon stylographe ! Mon regard se pose sur les personnages, scènes
de vies ou saynètes du quotidien. Je ne suis pas à la recherche
de ce que l'on nomme habituellement, le beau. Beau paysage,
beau visage, etc. Cette beauté-là, je la regarde et j'y suis
sensible, mais elle ne m'inspire pas sur le plan photographique.
Le " beau " n'est que jugement personnel du à sa propre culture,
connaissance, et appréciation. Ce n'est en aucun cas une appréciation
universelle ! D'autant plus que cette notion est très variable
en fonction, également, de l'époque (voir l'évolution au fil
des époques, du jugement sur " La Peinture " ! Je pense à la
peinture bien sûr, comme moyen d'expression graphique lui-même
beaucoup plus ancien que la photographie ! )
Mon
regard et ma pensée sur ce qui m'environne ont commencé à s'établir,
dès mon âge de raison. Puis en regardant des photos en noir
et blanc que je ne comprenais pas. Très jeune, j'ai eu un attrait
pour la photographie que je ne m'expliquais pas, mais j'étais
comme aimanté par ces " images ". Il est vrai qu'à neuf ou dix
ans et sans vivre dans un contexte où l'image était prépondérante
j'avais du mal à évoluer dans la compréhension de ce média graphique
et beaucoup plus complexe que l'on imagine! Néanmoins la " magie
" de l'appropriation de l'instant que je pouvais privilégier,
me captivait. Je commençais à réaliser que c'était une façon
d'arrêter le temps, du moins une fraction du temps, et surtout
de le fixer, de le figer et enfin de l'immobiliser. Non pas
de le terrasser mais pour en conserver ce qui à mes yeux en
constituait la " substantifique moelle " !
"
Prendre un instantané ", comme l'on disait autrefois, était
à mes yeux une bonne définition de la photo. C'était l'appropriation
de l'instant, voulue et désirée. Capturer et fixer l'instant
sublime qu'il fallait à ma mémoire pour me forger des souvenirs
aussi visuels qu'indicibles. Voilà ce qui me passionnait. Tout
ça, je ne l'ai conceptualisé que bien plus tard. La photo est
également devenue pour moi le moyen de témoigner en prenant
parti. Je prends parti parce que j'ai vite découvert que la
photographie n'est pas la traduction de la réalité et que ce
n'est que le témoignage, non objectif, de ce qui m'interpelle,
me plaît ou me révolte. C'est son propre regard posé sur un
sujet .Ce n'est pas le sujet qui est primordial mais c'est le
regard personnel de celui qui apporte par la photo son témoignage
sa réflexion ou sa prise de position.
Mon appareil photo n'est pour ce qui me concerne qu'un carnet
où je prends des notes. Ces notes, de moments de vie dont je
me souviens, car ma photo est intentionnelle et volontaire.
Concernant toutes les photos que j'ai réalisées dans ma vie
je me souviens du contexte et des circonstances dans lesquelles
elles furent " prises ". Les photos que je commets sont toujours
titrées. Non pas pour donner à celui qui les regarde une vision
dirigée mais tout simplement pour dire ce qui a impulsé mon
action photographique. Ceci dit, les personnes pensent ce qu'elles
veulent du cliché. Ils en seront ou non touchés dans leur sensibilité.
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